mercredi 18 novembre 2009

Iggy Pop : Préliminaires (2009)



Pour son nouvel opus, l'iguane abandonne le rock métallisé et s'invente en crooner fan de Houellebecq. La démarche est louable mais le résultat pas toujours à la hauteur, surtout vu de ce côté de l'Atlantique.

Iggy Pop est un grand chanteur. Une des voix les plus reconnaissables, les plus fortes du rock. Et comme c'est le cas pour la plupart des grands chanteurs, sa voix vieillit comme du bon vin.

On pouvait donc se dire qu'un album moins rock, plus "pop" au sens américain du terme (en français on pourrait dire "chanson" tout simplement), c'était une assez bonne promesse avec un tel interprète. D'autant que l'homme a déjà évoulé dans ces registres. Après tout ses deux grands chefs d'œuvre de 1977, Lust For Life et The Idiot, co-signés avec Bowie après la furie stoogienne du début seventies, c'était déjà un démarquage qui tendait à prouver que l'Iguane était bien plus qu'un exhibitionniste cramé et destroy abonné au punk rock binaire.

Dès le printemps dernier on annonçait donc un album intello, jazzy, inspiré de La Possibilité d'une île de Houellebecq, et bardé de références cultureuses et francophiles. L'iguane lui-même s'annonçait lassé du rock de voyous, et le chevalier des Arts et des Lettres qu'il est depuis 2003 (décoré le même jour que Carla Bruni) citait Antonin Artaud dans ses interviews aux journaux français.

On tombe de haut cependant lorsqu'Iggy, en ouverture de Préliminaires, sussure "Les Feuilles mortes" de Prévert et Cosma avec un accent à couper au couteau sur fond de synthés et de boîtes à rythme. Si elle peu paraître exotique à l'auditeur de Detroit ou de Brooklyn, cette intro kitschissime risque de nettement moins bien passer à Angoulême ou à Levallois-Perret.

Passé ce.. préliminaire, l'écoute révèle en fait un ensemble assez hétéroclite musicalement : du jazz bien sûr, avec le morceau de bravoure "King Of the Dogs" et ses arrangements New Orleans, mais aussi du rock à guitares plus familier ("Je sais que tu sais", "Nice To Be Dead"), de l'electro-pop ("Party Time") et une bonne doses de ballades entre Gainsbourg et Léonard Cohen période I'm Your Man.

Le problème étant que même sur les morceaux les plus réussis comme "King Of the Dogs" ou le très littéraire "A Machine For Loving" cosigné par Houellebecq, la sauce ne prend jamais tout à fait. Les chansons, trop dépareillées, manquent de souvent de solidité dans l'écriture, malgré une interprétation comme toujours sincère et parfois touchante. Alors évidemment on se prend à regretter la plume et la touche de Bowie, ce qui n'est pas très sympa et rajeunissant pour Iggy qui reste un personnage attachant, vif, sachant parfois quitter les sentiers battus. C'est bien le seul mérite de cet album plutôt décevant.

L'Iguane, lui, a l'intention de persister dans la pop puisqu'il préparerait même un album de Noël, comme un vrai bon crooner américain.

Paru sur etatcritique.com le 2 nov 2009

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