vendredi 31 juillet 2009

Meilleurs albums de 1973 : Homemade Ice Cream de Tony Joe White


Célébrons l'année 1973 avec un petit favori personnel, un oublié du grand livre du rock : le très sudiste et ultra-cool "Homemade Ice Cream", par l'Elvis Presley du Bayou, j'ai nommé Tony Joe White.

Jusque-là (pour les années 1970-72), on vous avait plutôt servi des grands classiques, parfois même des monuments ("After The Goldrush", "Led Zep IV", "What's Goin' On"). Alors on peut bien se permettre un petit chouchou oublié, absent des cartes et des encyclopédies du rock.

Tony Joe White, relativement peu connu aux Etats-Unis, bénéficie par chez nous d'un statut quasi-culte. Adulé par Johnny Hallyday, pour qui il a d'ailleurs composé, ou par Joe Dassin en son temps, Tony Joe se fit connaître à la fin des sixties avec plusieurs tubes dont le superbe Polk Salad Annie, repris par le King Elvis Presley en personne.

Il y a d'ailleurs du Presley dans Tony Joe : même genre de bouille, beau brun à rouflaquettes. Même type de voix veloutée et profonde, qui sans jamais forcer, peut délivrer un blues des plus authentiques ou une ballade digne du meilleur crooner.

Une sorte d'Elvis à la coule, un king du bayou qui n'aurait jamais rencontré le Colonel Parker. Tout au long de cet album, on l'imagine pieds nus, en jean coupé aux genoux, assis sous sa véranda à jouer le blues, ou à dormir dans son hamac, une bière fraiche à portée de main.

Tony Joe White chante le Sud et sa douceur de vivre comme personne. Littéralement habité par le blues (il eut la vocation en écoutant Lightnin’ Hopkins), il est le créateur du « swamp rock », rock des marais, lancinant et syncopé, caractérisé par une attaque rythmique à la guitare pleine de feeling et teintée de funk, sur laquelle Tony Joe pose sa voix inimitable.

"Homemade Ice Cream" le présente dans une veine encore plus intimiste que ses précédents opus. Le premier titre, un blues bien moite, plante le décor : c'est samedi soir à Oak Grove, Louisiane (le patelin de Tony Joe), un type rentre du boulot, prend une douche et se prépare à sortir, en mettant "ses meilleures fringues". Son copain passe le prendre en pick up "avec protèges-pots en fibre de verre", puis ils vont faire un tour en ville. Car "when you look good, you feel good", et inversement. L'album alterne ainsi entre blues-rock et ballades plus intimistes, comme For Old Times Sake, magnifique chanson de rupture ("Si tu n'as plus rien à dire, alors laisse moi juste te serrer dans mes bras comme au bon vieux temps"), et le morceau-titre, shuffle instrumental harmonica-guitare, d'une simplicité désarmante, cool et paresseux, "à faire passer JJ Cale pour un épileptique", comme écrivait Serge Loupien.

On a envie de se dire, pourquoi se prendre la tête quand on peut faire si bien avec si peu… on trouve également, lové au centre de l'album comme un serpent-mocassin du bayou, Lazy, blues-profession de foi, éloge de la lenteur, où le chanteur se dit qu'il devrait peut-être avoir un peu plus d'ambition et sortir dans le monde, mais qu'en fin de compte il aimerait mieux aller pêcher dans la rivière ou rêver d'un voyage sur un train de marchandises. No news Is Good News est une invitation à ignorer journaux et boîtes aux lettres de temps à autre. En effet, si c'est pour recevoir, comme dans la chanson, une lettre de sa copine disant "Hey chérie je vais bien, et même si je sors avec d'autres types, je pense toujours à toi", mieux vaut pas de nouvelles du tout. Le monde extérieur attendra.

Glandeur et rêveur (California On My Mind), Tony Joe peut rester dans sa cabane pour l'éternité si c'est pour nous pondre des albums aussi réjouissants. C'est d'ailleurs un peu ce qu'il a fait par la suite, avec des hauts et des bas. Car malgré toutes ses qualités, "Homemade Ice Cream" ne connaîtra pas le succès, marquant même le début d’une traversée du désert pour son auteur, qui réapparaîtra au mileu des années 80 en écrivant pour Tina Turner puis Johnny Hallyday, avant de reprendre le chemin des studios et de la scène, grâce au public français qui ne l’a jamais oublié.

1 commentaire:

-Twist- a dit…

Pochette déjà vu, jamais posé une oreille dessus. :(
Plus qu'à Elvis, il me fait penser à l'enfant qu'auraient eu Joe Dassin et le père de Superman dans Smallville (on a les références qu'on peut).