(avec etat-critique)
Antony, l'androgyne à la voix de velours, confirme, avec un magnifique troisième album épuré et quasi-mystique, qu'il est bien un des grands artistes de la décennie.
A écouter en lisant cette chronique: 3 titres sur Myspace
Son dernier opus remontait à 2005, c'était le désormais classique I Am A Bird Now, qui fit connaître ce géant transgenre, doté d'un organe vocal tout aussi androgyne que son apparence extérieure. Une voix unique qui rappelle celle de Bryan Ferry par son timbre, et parfois, lorsqu'elle s'envole, celles de Jeff Buckley ou Roy Orbison par sa dimension quasi-lyrique.
Un personnage totalement unique, marqué par les grandes diva travesties des années 1980 que furent Marc Almond ou Boy George, mais qui est aussi un fan invétéré d'Otis Redding. Une sorte d'extraterrestre au corps d'ours et à la sensibilité extrême, auteur d'une musique très mélancolique, lente, presque funèbre, mais saisissante de beauté, accompagné d'un excellent groupe mélant sonorités pop et classique.
Depuis ce succès, on a beaucoup vu et entendu Antony, qui a collaboré à pas mal de projets avec Lou Reed, Björk, ou encore avec le groupe néo disco Hercules & Love Affair pour l'excellent single "Blind" l'année dernière.
On en était presque à se demander si notre bonhomme allait un jour nous pondre enfin un vrai album, mais il a fini par nous combler en ce début d'année 2009.
Nous combler, car vraiment, ce Crying Light est un beau cadeau. Antony, très perfectionniste, n'a pas chômé en studio, partant de 25 chansons pour n'en garder que dix, travaillant parfois plusieurs semaines avec plusieurs arrangeurs sur le même morceau.
Il en résulte (paradoxalement) un disque épuré, presque austère par moments, moins facile peut-être que le précédent. La base musicale n'a pas vraiment changé, on retrouve toujours ces chansons intemporelles, où la pop rencontre la musique minimaliste de Philip Glass ou Gavin Bryars, et ces rythmes lents et mélancoliques. La touche soul est un peu moins présente, sauf sur "Aeon" et ses arpèges de guitare électrique à la Steve Cropper. Exit aussi les duos qui parsemaient I Am A Bird.
Antony semble apaisé, moins pressé de crier sa douleur, moins arty, et semble avoir pris une orientation mystique, plus universelle, à l'image du visuel de pochette, une photo du danseur de bhuto Kazuo Ohno aujourd'hui centenaire et contraint à l'immobilité. C'est, de même, à un voyage immobile qu'il nous invite, un voyage aux confins de la vie et de la mort, une communion avec la nature, une recherche d'équilibre. Cela aurait pu tourner au New Age totalement cucul, mais c'est au contraire bouleversant d'authenticité et de sobriété. D'abord par ce que le spiritualisme à la Antony n'a rien de béat ni d'optimiste. La douleur, la mort, sont toujours présentes, mais elles semblent presque acceptées, comme l'autre face de la vie et de la création.
Ensuite et surtout, parce que ce mysticisme s'exprime à travers une musique encore plus soignée. Vocalement, Antony a appris à ménager ses effets, même s'il reste tout à fait impressionnant, rappelant même le grand chanteur soufi Nusrat Fateh Ali Kahn sur "Dust and Water". Fruits d'un travail méticuleux, les arrangements lui fournissent un écrin idéal, procédant par petites touches d'avantage que par empilement. Ainsi les volutes de violons qui viennent clore "Kiss My Name", où la clarinette d'"Epilepsy Is Dancing". Et puis, comme sur IAm A Bird, le groupe nous gratifie d'un final en apothéose avec Everglade et ses envolées de cordes et de vents.
Les privilégiés qui ont réussi à acheter une place se régaleront certainement au Rex le 9 avril, car sur scène, il sont paraît-il aussi bons que sur disque.
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