samedi 28 février 2009

Meilleur album de 1970 : Neil Young - After The Gold Rush

(publié sur etat-critique.com le 1er mars)



Entrons de plain pied dans ce nouveau cycle années 70 avec un disque miraculeux, qui est à la fois un favori personnel et un chouchou des anthologies en tous genres. On se lève tous pour Neil Young !

Alors que débute l'année 1970, Neil Young est un homme très occupé, jouant avec deux groupes à la fois : "son" Crazy Horse, avec lequel il a déjà publié Everybody Knows This Is Nowhere l'année précédente, et Crosby, Stills, Nash & Young , alors au faîte de leur popularité. Enregistrements, concerts, tournées se suivent sans relâche, mais Neil a tout de même le temps de travailler sur un projet d'album solo.

Le chanteur est éreinté par l'aventure CSNY, super-groupe adulé mais miné par les tensions internes et les contradictions. Quatre icônes hippies qui prêchent l'amour sur scène et se chamaillent, voire en viennent aux mains, dès qu'ils en sortent. Neil Young aspire au calme, à l'intimité, et imagine un projet beaucoup plus simple et spontané que la musique très travaillée du quatuor.
Il veut un album "de la qualité de ceux de la fin des années 50 ou des sixties, des Everly Brothers ou de Roy Orbison." " They were made at once", ajoute-t-il, ce qui veut dire à la fois qu'ils étaient enregistrés rapidement, et en live. Finis les séances de studio où chacun enregistre sa partie dans son coin, en 49 prises. Neil, et c'est ce qui fait son génie particulier, a toujours privilégié la clarté, la simplicité, l'immédiateté, et cela se ressent particulièrement dans After the Gold Rush, un de ses albums les plus dépouillés et les plus limpides.

Pourtant, les circonstances de l'enregistrement furent plutôt chaotiques. Young voulait s'appuyer sur les rustiques Crazy Horse pour l'accompagner, mais le guitariste Danny Whitten devient accro à l'héroïne juste à ce moment-là, en mai 1970, et se révèle vite ingérable. Neil Young, toujours épidermique, vire tout le groupe sans ménagement et se retrouve tout seul. Il fait alors appel en urgence à Greg Reeves, ex-bassiste de CSNY, et surtout ancien musicien de session des studios Motown, puis à Stephen Stills qui vient faire quelques choeurs. Peu après, il se souvient de Nils Lofgren, jeune guitariste de 19 ans qui s'était invité dans sa loge lors de la tournée CSNY et lui avait tenu la jambe une demi-heure. Impressionné par son talent et son culot, Young rappelle Lofgren mais l'engage pour jouer… du piano, instrument qu'il ne maîtrise pas totalement. Un coup de bluff typique du Canadien, mais qui s'avérera payant : la combinaison entre le jeu simple de Lofgren, la batterie sans fioritures de Ralph Molina, rappelé de Crazy Horse, et la basse galopante et experte de Reeves sert magnifiquement les chansons.

Dans ce domaine, le Canadien est d'une fécondité hallucinante : "c'était comme si les chansons coulaient de lui", se souvient Lofgren (aujourd'hui guitariste de Springsteen). Le producteur David Briggs raconte comment Young "s'asseyait en haut dans le salon pour travailler à une chanson, et puis on descendait tous au sous-sol, on faisait tourner les bandes et c'était parti". Car la plupart de l'album fut enregistré dans la maison de Neil à Copanga Canyon, et en quelques jours, ce qui ne manqua pas d'inquiéter Young, qui se demandait si quelque chose de fait aussi rapidement pourrait être si bon que ça.

Ce fut d'ailleurs, dans un premier temps, la réaction des critiques. Rolling Stone, par exemple, éreinta l'album (ils se sont rattrappés depuis). En revanche, le public suivit avec enthousiasme : After The Gold Rush, premier grand chef d'œuvre de Neil Young, marque définitivement son entrée dans la cour des grands. Onze chansons de rêve, avec une majorité de tempos lents et de sonorités acoustiques, et puis bien sûr "Southern Man", le morceau de bravoure éléctrique que le loner avait testé sur scène avec CSNY; deux ballades apocalyptiques et délicates à la fois (le morceau-titre et "Don't Let It Bring You Down"), deux superbes chansons d'amour ("Birds "et "I Believe In You"), deux pépites folk ( "Tell Me Why" ou "Only Love Can Break Your Heart" et ses chœurs célèstes). J'arrête là l'énumération par manque de place : chacune mérite d'être citée. La voix de Neil Young, très haut perchée, énigmatique comme ses textes, ajoute à l'ensemble un cachet unique. C'est simple, mystérieux, nostalgique sans jamais sombrer dans la déprime, sombre par instants, joyeux par d'autres, et terriblement mélodique. Le public ne s'y trompe pas, qui résèrve au chanteur un accueil triomphal lors de la tournée qui suivra.

Et les aléas continueront de jalonner et de façonner la carrière du grand Neil. Quelques semaines après l'enregistrement, il se bloque le dos en soulevant une lourde pièce de bois. C'est le début de ses problèmes de vertèbres qui à terme lui rendront douloureux un usage prolongé de la guitare électrique pendant deux ans; cela donnera Harvest, mais ça, c'est une autre histoire…


D'autres posts suivront sur cette inépuisable année 1970. C'est quand même autre chose que les eighties !

En bonus, la version originale de la seule reprise de l'album :



Découvrez Neil Young!

lundi 23 février 2009

Un livre : Terreur

Salut, salut

On va parler livres aujourd'hui.

A propos, je vais sans doute dissocier un peu les deux sites.
On trouvera dans L'Appel des posts qui ne seront pas dans River, et vice-versa. Au départ, par manque de temps pour retraduire chaque texte, mais aussi pour varier les plaisirs. Dommage d'ouvrir 2 blogs et d'en faire des clones.

Donc sur L'Appel on trouvera en plus un peu de littérature, et sur River des posts sur l'histoire des musiques traditionnelles américaines (blues, country, reggae).
Donc pensez à surveiller les 2 sites, à les mettre tous les deux dans votre blogroll, etc..


Voici pour l'instant une chronique du glacial Terreur de Dan Simmons, parue sur etat-critique.com.

Sur River vous pourrez trouver un post sur la pré-histoire du blues

Dan Simmons, grand maître du fantastique, revisite avec brio le mystère de l'expédition polaire Franklin, disparue corps et biens en 1845. Roman historique ou survival gothique et impitoyable ? Les deux mon capitaine.

Si vous trouvez cet hiver bien trop frisquet pour être honnête, alors ce livre est fait pour vous. Il n'y fait jamais plus de 0° et la température descend volontiers jusqu'à -70. Le soleil, en hiver, ne se lève jamais. Sur la banquise, personne ne vous entend crier, et encore moins trembler de froid, de faim ou d'autre chose. Un petit voyage arctique avec Dan Simmons, et la météo parisienne vous paraîtra tropicale…

Point de départ historique de ce roman, l'expédition Franklin est un des mystères les plus célèbres de l'histoire navale. Partis à la recherche du passage du Nord-Ouest qui permettrait de rejoindre le Pacifique par le nord du Canada, les deux navires de Sa Majesté Erebus et Terror, transportant 129 hommes et partis en mai 1845, sont aperçus pour la dernière fois au large du Groënland en juillet, puis plus rien. Les recherches, entamées en 1850 et qui se poursuivent encore, ont permis de retrouver quelques restes humains sur l'île du Roi-Guillaume, à l'extrême nord canadien, dépouilles qui portaient des signes de scorbut et d'un probable cannibalisme.

Avouez qu'il y a là matière fort alléchante pour bâtir un roman d'aventures. Quelques faits qui affleurent, mais une grande part d'inconnu et de mystère, autant de blancs à combler : l'idéal pour Dan Simmons, qui visiblement s'est fait plaisir, et bâtit un récit qui remonte aux sources même de l'horreur.

L'histoire commence en 1847, alors que les deux navires passent leur deuxième hiver de suite bloqués dans les glaces au fin fond de l'Arctique. En quelques pages, l'auteur, sans épargner aucun détail, plante le décor : le froid extrême, la nuit, la banquise déserte, et l'angoisse de l'équipage.
Mal équipés, mal préparés, les marins, qui commencent à souffrir du rationnement alimentaire, sont de surcroît assaillis par une créature mystérieuse, sorte d'ours blanc surdimensionné, qui surgit régulièrement des ténèbres pour en engloutir un ou deux. Après la mort tragique de Sir John Franklin, c'est le capitaine Crozier, un Irlandais alcoolique mais d'une force de caractère peu commune, qui a la responsabilité de l'équipage. Faut-il attendre un dégel improbable ou abandonner les navires et fuir sur la banquise en direction du continent ? L'arrivée à bord d'une mystérieuse jeune fille Inuit à la langue coupée vient encore accroître le mystère. S'agit-il d'une sorcière maléfique ou d'un guide qui les aidera à retrouver la civilisation ?

Superbement documenté, Terreur, comme la majorité des Dan Simmons, se lit avec avidité. Si l'histoire vous séduit, attendez vous à quelques veillées nocturnes, surtout dans la deuxième moitié du roman. La grande force de Dan Simmons, qui semble passer avec aisance de la science-fiction (le superbe cycle d'Hypérion, les délires d'Ilium et Olympos) au polar et à l'horreur, c'est de savoir utiliser toutes les ficelles du roman de genre tout en créant des personnages d'une grande épaisseur littéraire et en truffant son texte de références à l'histoire et à la littérature anglo-saxonnes (Darwin, Hobbes, Poe). Multipliant les points de vue narratifs, le roman crée une réalité multiple, où chaque événement est traité à travers la vision partielle des protagonistes. Et puis Simmons, en bon disciple de Lovecraft, sait aussi s'arrêter au bon moment, ne pas tout dévoiler (personne ne voit jamais complètement la créature), et laisser, à la fin du livre, quelques mystères irrésolus, car son but n'est pas de répondre aux questions, mais de faire surgir de l'imaginaire dans les failles de la grande Histoire, et ici de raviver des angoisses venues de la nuit des temps et des mythes les plus anciens.

jeudi 19 février 2009

Trombone Dixie, par Honorio Barranco, invité spécial

(sur la photo : Rico Rodríguez)

Salut à tous ! Je suis Honorio Barranco et c'est un grand honneur pour moi de répondre à l'Appel de la rivière (je veux dire, d'être invité à participer à cet excellent blog). Je considère Nicolas comme un très bon ami, bien qu'on ne se soit jamais rencontrés en chair et en os (mais ça s'arrangera sûrement). Je respecte ses opinions et son approche de la musique, toujours fraîche et fondée sur les sensations que procure la musique plutôt que sur des valeurs "objectives". Une petite perle de Nicolas, lue sur le forum d'Acclaimed Music forum (auquel on participe tous les 2):

“Ce que j'apprécie avant tout, avec la musique, c'est l'expression personnelle (c'est pour ça que j'adore le folk et le blues) et comment elle peut atteindre notre for intérieur, quelque chose qui est bien au-delà des mots et de la raison.” Bien dit, Nic.

Je réécoutais The Specials, Tom Waits and Rubén Blades pour le forum et je me rends compte à quel point j'aime le son du trombone. Considéré habituellement comme le parent pauvre de la trompette et du sax, qui monopolisent l'attention, il a cependant un son bien à lui, capable d'être enjoué mais parfois aussi triste (ou même funéraire), humble mais parfois épique (ou même militaire), maladroit mais parfois chaud (ou même sensuel). En fouillant dans ma collection de disques, j'ai trouvé ces quelques perles :


1. The Specials - Ghost Town (buy)(1981)

Rico Rodríguez (photo), bien sûr. Le seul musicien qui participa activement à la fois au ska jamaïquain des origines et à la seconde vague du Two-Tone ska britannique. Voici la version originale (maxi) avec l'excellent solo de trombone de Rodríguez à la fin.


2. Rubén Blades & Willie Colón - Ojos (buy)(1978)

Le singer-songwriter Rubén Blades et le fabuleux tromboniste Willie Colón enrigistrent 1978 “Siembra”, peut-être le meilleur album de salsa de tous les temps. Rubén a écrit les chansons mais Willie a ajouté ces tonitruants arrangements de cuivres avec quatre trombonistes jouant simultanément. Si vous voulez entendre/voir un solo de trombone par Colón trombone allez voir “Juan Pachanga”.


3. Tom Waits - In the Neighborhood (buy)(1983)

L'envers de la musique exubérante de Blades : cette marche funèbre sur le chef d'oeuvre de Tom Waits Swordfishtrombones (titre d'album approprié, n'est-ce pas ?) et sa parade déglinguée soutenue par des cloches, un tambour de fanfare et ... 3 trombones.

4. Goran Bregovic - Mesecina (buy)(1995)

Goran Bregovic a formé son Wedding and Funeral band avec des musiciens gitans qui jouaient des cuivres aussi fort qu'un troupeau de bisons au galop. Bien que les soli sont joués au sax et à la trompette (encore), le rythme, infatigable, est supporté par trois trombones et un tuba. Un morceau qui fait partie de la bande-son du film d'Emir Kusturica, Underground.


5. Chicago - You Are on My Mind (1976)

Jimmy Pankow est le tromboniste du groupe Chicago, où il chante et compose occasionnellement. On peut le voir ici chanter sa propre (et superbe) composition “You Are on My Mind” issue du multi-platiné “Chicago X”. Malheureusement dans cette version live le solo de trombone d'origine a été remplacé par un solo de trompette. Allez voir aussi la " studio version."


6. Jimmy Cleveland - Posterity (1958)

Jazz, bien sûr. Bon là, je triche, je l'avoue, ce n'est pas dans ma collection, je l'ai tout simplement trouvé sur youtube. Mais il fallait que je le poste, écoutez juste et vous comprendrez.


7. Serguey Prokovoev - Romeo and Juliet: Montagues and Capulets” (1936)

Et classique, bien entendu. Mon morceau classique préféré ici dans une superbe version pour piano et trombone, joué par le légendaire virtuose du trombone Christian Lindberg.


8. Sisa - Maniquí (1975)

L'eccentrique auteur-composuiteur catalan Jaume Sisa a créé un style de musique très à lui qu'il a appelé “cabaret galactique”. Cette chanson d'amour pour un mannequin en est la parfaite illustration, avec des solos simultanés de clarinette, sax, trompette et trombone dans la tradition ragtime.

9. Extremoduro - So payaso (1996)

Du hard rock avec des trombones ? Pourquoi pas ? Le groupe espagnol Extremoduro l'a fait. Et très brillamment.

10. The Beach Boys - Trombone Dixie (buy) (1990)

Et puis, last but not least, un chute de studio des sessions du très acclamé Pet Sounds, qui ne sortirent officiellement qu'en 1990 (l'enregistrement est de novembre 1965). Histoire de terminer sans prétention ce top 10 du trombone (incomplet et très personnel).

Pardon, pardon, faut que je poste un bonus. C'est propablement le meilleur solo de trombone de tous les temps, joué à une fête d'anniversaire de Dizzy Gillespie birthday par le virtuose jazz Slide Hampton.

mardi 17 février 2009

Mark Olson & Gary Louris : Ready For The Flood

(avec etat-critique.com)

(English version here)


Presque 15 ans après, le duo de tête des Jayhawks est de retour avec cet album acoustique, intime et nostalgique. Les fans seront comblés, les néophytes pourront découvrir leurs ritournelles folk aux harmonies vocales délicates et intemporelles.

On aime bien les Jayhawks à Etat critique. Pour ceux à qui le nom ne dit rien, il s'agit du groupe phare (avec Wilco) du mouvement Alternative country apparu au tout début des années 90. On dit aussi "Americana", mais en fait c'est tout simplement du country-rock inspiré par Gram Parsons ou les Byrds et modernisé à la sauce indie, sorte de réaction à la froideur distante du son eighties, et à la ringardisation à la même époque de la country "officielle" made in Nashville.

Groupe du Minnesota au son californien, les Jayhawks nous avaient comblé avec deux très bons albums, Hollywood Town Hall (1992) et Tomorrow The Green Grass (1995), pleins d'harmonies vocales célestes signées Gary Louris (voix aigue, look à la Voulzy) et Mark Olson (voix grave) et de parties de guitare électrique rappelant le meilleur de Neil Young avec Crazy Horse. Puis Olson était parti en 1995, les Jayhawks avaient continué sans lui jusqu'en 2003, dans une direction plus pop.

Depuis les deux compères ont mené des carrières solo respectives avec parfois de fort bonnes réussites (voir Vagabonds, de Louris, chroniqué sur etat-critique, ou The Salvation Blues de Mark Olson).
Cependant, on ne pouvait s'empêcher d'attendre de les entendre chanter ensemble à nouveau. Louris et Olson, en country-rock, c'est un peu les Lennon-McCartney, les Simon and Garfunkel, toutes proportions gardées bien sûr.

Mark Olson & Gary Louris - The Rose Society (buy)

Et, tout de suite, dès les premières secondes de "The Rose Society", première et bien jolie chanson, on les retrouve, ces deux voix jumelles, un peu plus rauques et usées par l'âge, mais toujours aussi complices.L'album est nettement plus acoustique que ceux des Jayhawks, plus intime, les deux songwriters s'invitent un peu dans votre salon, et se payent par là-même un hommage appuyé à leurs idoles, les duos de country d'avant le rock, Monroe, Delmore ou Louvin Brothers, qui inspirèrent à leur tour les Everly puis Simon et son grand copain blond.

Privées d'électricité, les chansons n'en restent pas moins très Jayhawks, peut-être un peu plus matures, un peu plus indolentes aussi. Ca s'emballe rarement, sauf sur le bluesy "Chamberlain, SD," et les arrangements restent confinés au strict minimum : guitares sèches et parfois un orgue, une mandoline ou une slide guitar pour meubler le tout, une austérité qui, j'espère, ne découragera pas les néophytes. On remarquera deux superbes ballades aux parties de guitare en fingerpicking, "Saturday Morning On Sunday Street" et "Black Eyes", où la formule acoustique joue à merveille. Les textes ne sont pas exempts d'une certaine amertume. On sent que depuis les Jayhawks la vie n'a pas toujours été rose pour ces deux quinquas. "Are we going to find each other/In this great big dark of night," se demandent-ils à un moment. Qu'on les rassure, même dans le noir, ils se retrouvent les yeux fermés. Et nous aussi, pour notre plaisir.

Pour mémoire, les Jayhawks :
The Jayhawks - Two Angels(buy) (1992)

Et en prime, un clip de présentation de l'album (la première chanson entendue, c'est le très beau "Black Eyes":


samedi 14 février 2009

Hall Of Fame : Chuck Berry


Après Elvis et Hank Williams, nous avons, nous, forumers d'Acclaimed music, élu aussi Chuck Berry. Quoi de plus naturel ? Je me permets de citer l'excelllllent Yves Bigot dans le Dictionnaire du rock (dir. Michka Assayas) :

"Si l'on devait expliquer ce qu'est le rock 'n' roll à un Martien, il suffirait de lui faire écouter Chuck Berry, auteur des Tables de la loi du rock et guitariste noir fondamental. Au sommet de son art, entre 1955 et 1964, il a composé une trentaine de classiques, de "Maybellene" à "No Particular Place To Go", en passant par "Johnny B. Goode", qui ont défini le rock, son estéthique, ses thèmes, ses riffs. A travers lui, le style de vie des adolescents américains a été mythifié, séduisant la jeunesse de la planète pendant au moins deux générations. D'Elvis Presley à Jimi Hendrix, des Beatles aux Rolling Stones, des Beach Boys à Springsteen, tous sont ses héritiers directs, ses débiteurs, ses enfants."

Il aurait pu aussi ajouter Dylan ("Subterranean Homesick blues", totalement "Berryen").

Pas grand chose d'autre à ajouter, si ce n'est que le piano, souvent tenu par Johnnie Johnson, est aussi, avec la guitare du maître dont on a tant parlé, un autre signe distinctif du Berry sound : cette façon de le marteler, d'en faire un instrument rythmique, qui semble ne pas tenir compte de la mélodie du chanteur.

Tout à l'heure en préparant ce post j'ai tapé "Chuck Berry" puis "shuffle" sur mon juke-box-caverne d'Ali Baba media Player, et j'ai craqué pour cette chanson, une des premières, de 1955. Faite sur le moule de "Maybellene", c'est un habile mélange de blues et de country qui commence à s'appeler rock 'n' roll, avec de drôles de paroles sur la justice et un très beau et très sauvage solo de gratte :

Chuck Berry - Thirty Days (buy) (1955)

Ressources web sur Chuck

- Très bonne bio issue de la saga RTL consacrée à Chuck

- Un post de Paul sur Setting the Woods on Fire, à propos de l'excellente chanson "Brown Eyed Hansome Man" (en Anglais)

jeudi 12 février 2009

Langue à part



A compter d'aujourd'hui River's Invitation fait langue à part !

Vous aviez certainement remarqué que River's Invitation proposait, à peu près à tour de rôle, des textes en Français et en Anglais.

Sur ce site, vous pourrez continuer à (re)découvrir de nouvelles musiques mais en Français seulement. Pour ceux qui étaient frustrés de tomber sur des textes écrits dans mon étrange Anglais universitaro-bricolé(en fait parfois écrire en Anglais c'est comme dessiner dans le noir, on se rend pas trop compte du résultat).
Et les Ricains et autres étrangers (même pas Français) qui se retrouvaient devant des posts écrits dans un drôle de dialecte européen incompréhensible et que ça pouvait rebuter auront désormais un site tout en Anglais (le River's Invitation originel).

Faudra désormais choisir : la Seine ou le Mississippi.

A priori, le contenu sera le même dans les 2. En fait ça dépendra de mon temps assez limité. Je pense continuer comme avant, c'est à dire écrire alternativement dans les 2 langues mais sur 2 sites différents, et dès que je le pourrain je rajouterai une traduction plus succinte sur l'autre site ainsi que les chansons en ligne.

Voilà. Rendez-vous donc bientôt ici, et en Français s'il vous plaît, pour de nouvelles aventures.

mardi 10 février 2009

Toumani Diabate : The Mande Variations

(avec etat-critique.com)





Le grand maître de la kora n'avait pas enregistré en solo depuis 20 ans. L'attente est méritée : le résultat est tout simplement prodigieux de virtuosité maîtrisée, d'inspiration et de spiritualité. A écouter d'urgence et dans le calme.


Toumani Diabaté - Kaounding Cissoko (buy)

"Toumani, c’est le dieu de la kora, il est incomparable et fait ma fierté (…) Les mots me manquent pour qualifier ce qu’il fait pour l’art africain. Il n’a pas de rival dans son métier, il est né dans la kora, il sait ce qu’il en fait et c’est unique au monde. N’importe quel joueur de kora essaie d’être Toumani Diabaté, mais c’est très difficile".

Ainsi s'exprimait Ali Farka Touré, qui enregistra avec Diabaté le très beau "In The heart Of The Moon" en 2005. Et ne croyez pas qu'il s'agit là d'une éxagération toute africaine : Ali Farka n'était pas le seul à vouer un culte à Toumani. On pourrait aussi citer la journaliste et productrice de BBC 3 Lucy Duran, qui le compare à Glenn Gould ou Rostropovitch, "un de ces musiciens comme on n'en rencontre qu'une fois ou deux dans sa vie".

Issu de la 71e génération d'une lignée de griots joueurs de kora, musicien professionnel depuis l'âge de 13 ans, Toumani Diabaté ne s'est pas contenté de perpétrer une tradition qu'il maîtrise avec perfection. Attiré très tôt par les musiques du monde entier, il n'a cessé d'enrichir son répertoire au contact d'autres cultures. Dès 1987, il enregistre avec l'ensemble flamenco Ketana. Depuis, sa kora a accompagné Taj Mahal, Björk ou encore les rappeurs maliens Les Escrocs.
Mais, curieusement, il n'avait pas réalisé d'album en solitaire depuis 1988. Il aura suffi de quelques jours d'enregistrement à Londres pour y remédier.


C'est donc la kora, cette harpe à 21 cordes montée sur une grosse calebasse, et la kora seule, sans aucun overdub, qu'on entend ici. Un instrument qui, dans les mains de Diabaté, sonne comme un orchestre entier. On a l'impression parfois d'entendre à la fois une ligne de basse, une rythmique, une ligne mélodique et un solo. Et pourtant il ne s'agit que d'un musicien qui nous emmène pour un fabuleux voyage au long de ces huit morceaux qui eux-mêmes ne cessent d'évoluer, de muter, de varier (comme le nom de l'album l'indique) au-delà de toutes barrières musicales : musique africaine, jazz, musique classique, folk, reggae, on entend tout cela et bien plus encore. Comme tout grand interprète, Toumani sait utiliser sa virtuosité, la retenir ou l'exprimer au moment voulu, selon la direction qu'il donne à ses morceaux. On saluera également l'exceptionnelle qualité de l'enregistrement, qui permet d'entendre chaque frottement des cordes, chaque vibration de la calebasse, et même parfois la respiration du koraïste.

Une écoute confortable, si possible hors du vacarme ambiant (idéalement : au casque) est fortement recommandée pour apprécier ces variations mandingues, quelque peu exigeantes, et se laisser envoûter par ces longues ballades qui évoquent la lumière, les paysages de terre rouge, le fleuve Niger ou les orages de l'été malien. "Kaounding Cissoko", sommet de virtuosité mélodique et rythmique, sonne comme une averse avec ses accélérations et ses accalmies. "Elyne Road", nom d'une rue londonienne, revisite un standard du reggae, "Kingston Town". "Ismael Drae", et son introduction parlée en arabe, ressemble à une prière soufie, "El Nabiyouna" évoque la musique arabo-andalouse. Et Toumani se paye même le luxe, sur le dernier titre "Cantelowes", de varier sur le thème d'"Il était une fois dans l'Ouest", avant de nous laisser pantois et songeurs.

Dans un style éloigné de l'afro-pop de ses compatriotes Amadou et Mariam ou Rokia Traoré (auteurs eux aussi de forts bons albums en 2008), Toumani signe là un des chefs d'œuvre de la musique mandingue, non seulement de cette année, mais peut-être bien de tous les temps.

Site officiel : http://www.toumani-diabate.com/

Toumani Diabaté is a master of the kora, a 21-string West African Harp from the Mandingue country (Mali). His new album his is first solo project in 20 years and it's a pure masterpiece. Sometimes you just can't believe there is one man playing : between his hands the kora plays bass line, rhythmic, melody and chorus at the same time. Really amazing. And the music is beautiful, blending African tradition and other styles from America, Europe and even India. A little hard to get into if you're not used to African traditional music, but it's really worth the effort. All you have to do is sit or lay still and listen.

Check out Toumani's bio on the World Circuit site (his record company)

And a good BBC review of the album

Bonus : In this video, Toumani himself talks about the kora and his album



PS : j'ai passé la barre des 5000 visiteurs depuis le début de ce blog. Vous êtes nombreux mais pas bavards... Continuez donc à venir et à surtout ne pas faire de commentaires... (nan j'rigole, au contraire ça ferait plaisir, mais des fois je me dis qu'heureusement j'ai mon petit compteur pour savoir que je suis lu... alors un petit effort serait le bienvenu... mais non vous n'aurez pas l'air con)

dimanche 8 février 2009

1989 : la playlist

(avec etat-critique.com)



Dernier (snif) épisode de notre rétroviseur eighties avec cette playlist 1989, mais rendez-vous en mars pour un voyage à rebrousse-temps… direction les années 1970 !!

(cliquez sur le bouton play dans le lecteur ci-dessus pour déclencher la playlist)


Découvrez Neil Young!


1. Neil Young - Rockin' In The Free World : la version dark de Neil Young : électrique, cradingue, énervé, pour ce petit chef d'oeuvre extrait de l'inégal Freedom.

2. Depeche Mode - Personal Jesus : les Depeche Mode, pères de l'électro, savaient aussi se servir du blues, et ce 10 ans avant Moby ! La version de Johnny Cash n'est pas mal non plus…

3. Lou Reed – Good Evening Mr. Waldheim : sur son superbe et très rock album New York, Lou Reed n'épargne personne: ici, outre le secrétaire général de l'Onu, c'est le pape et Jesse Jackson qui trinquent

4. Public Enemy – Fight The Power : sorti sur la BO de Do The Right Thing de Spike Lee, c'est l'hymne ultime à la révolte politique des très sulfureux rappers de Long Island. Le titre de la chanson est emprunté aux Isley Brothers.

5. De La Soul – Buddy : eux, c'est les gentils, les rois du sample-gag et les précurseurs du cool rap, tout comme Q-Tip ou les Jungle Brothers qui les accompagnent sur ce morceau.

6. Noir Désir – Aux Sombres Héros de l'Amer : malgré le jeu de mots un peu naze, le morceau tient encore bien la route, et l'album se réécoute avec grand plaisir. Noir Désir, avec ce titre, succéde aux défunts Téléphone sur le trône du rock français.


7. Neville Brothers – Yellow Moon : ah, la musique de la Nouvelle Orléans, cette grande marmite musicale : noire, indienne, espagnole, française, carribéenne, avec ses percussions, et ses ambiances moites que même Lanois n'arrive pas à aseptiser…

8. Nitty Gritty Dirt Band – Lost River : ce groupe de country s'est fait une spécialité de réunir sur ses albums le gratin des vestes à franges, mais aussi des songwriters moins connus, comme Michael Martin Murphey, qui chante et compose cette jolie chanson.

9. Caetano Veloso – Branquinha : l'un des fondateurs du tropicalisme, poète, musicien, réalisateur et activiste politique prouve, sur l'album Estrangeiro qu'il est aussi à l'aise dans le rock, le jazz, que dans la bossa la plus traditionnelle, comme sur ce titre.

10. Chris Isaak – Wicked Game : on déjà parlé de Roy Orbison (album de l'année 1989), voici un de ses fils spitituels, avec LE slow de1989. Parfait pour conclure (oui, je sais, elle est pas terrible…).



Et vous ? Quels sont vos favoris de cette année là ? Est-ce que ces posts vous ont réconcilié avec les années 1980 ? ou ont renforcé votre amour pour cette décennie très à la mode ?