mercredi 28 octobre 2009

Meilleurs albums de 1974 : Lynyrd Skynyrd - Second Helping


(La pochette est beaucoup trop laide. Je boycotte. Ca vous couperait l'envie de vous procurer cet excellllent album de rock and roll. Je préfère cette cool photo.)

Porté par l'immense et incompris Sweet Home Alabama, le second album des Sudistes sera l'album de la consécration, confirmant notamment le talent d'écriture de Ronnie Van Zant sur fond de roots rock endiablé.


"Sweet Home Alabama" est probablement, avec "Born in the USA" de Springsteen ou "Okie from Muskogee" de Merle Haggard, un des plus grands malentendus de l'histoire de la musique américaine. Comme les deux autres chansons, elle fut récupérée par les éléments les moins fréquentables de la vie politique du pays, afin de servir des causes racistes et conservatrices. D'où l'image de rednecks qu'on colle souvent à Lynyrd Skynyrd et au rock sudiste en général.

Petit rappel : la chanson est en fait une réponse à "Southern Man" et "Alabama", deux titres de Neil Young dénonçant le racisme des habitants du Sud. Dans "Sweet Home Alabama", Ronnie Van Zant, chanteur de Lynyrd Skynyrd, réplique "J'espère que Neil Young se souviendra / Qu'un gars du Sud ne veut pas de lui ici".

Ces paroles, mêlées d'allusions à la popularité du gouverneur ségrégationniste George Wallace, et ajoutées aux drapeaux sudistes tendus en fond de scène lors des concerts du groupe, eurent vite fait d'entretenir le malentendu.

Car malentendu il y a, tout simplement car Van Zant et Neil Young étaient potes et s'admiraient respectivement. D'ailleurs leurs musiques, nourries aux mêmes mamelles, celles du rock'n roll, du blues, de la country et des guitares, sont là pour l'attester. Ronnie Van Zant, qui n'avait rien d'un redneck, trouvait juste que Neil, depuis sa Californie dorée, généralisait un peu, commme il le déclara à Rolling Stone : " Neil Young shootait tous les canards afin d'en tuer un ou deux". D'où ce titre, plutôt ironique, que Lynyrd Skynyrd avait écrit rapidement, comme une blague sur les clichés et la fierté du Sud profond. D'où, aussi, l'accueil triomphal fait par le public à cette chanson venue redorer le blason d'une région et d'un peuple systématiquement montrés du doigt à cause des mauvaises actions de quelques-uns. Et en plus, le groupe n'était même pas de l'Alabama, mais de la Floride voisine.

Lynyrd Skynyrd, à part ça, est bien le groupe sudiste par excellence : influences rock'n'roll, country, blues et soul, et bien sûr la marque de fabrique du groupe : trois guitaristes électriques, qui font un tabac dès le premier album (1973) avec le magnifique Free Bird. L'association Al Kooper (à la prod) - Skynyrd fait des merveilles sur Second Helping qui reprend la formule du premier album, avec un côté encore plus carré, plus pro. Groupe de scène, ils arrivent à retranscrire en studio la folie et la générosité instrumentale de leurs concerts ("Call Me The Breeze" emprunté à JJ Cale), et surtout ils disposent de la plume de Ron Van Zant, aiguisée, avec un côté honnête et franc du collier qui le rattache plus à la country qu'au rock.

C'est ce mélange de rock débridé et d'écriture poétique qui fait toute la force de Lynyrd Skynyrd : "Working for MCA" précède dans son sujet le "EMI" des Sex Pistols, "The Needle and The Spoon" est une superbe chanson sur la drogue, et "The Ballad of Curtis Loew", histoire d'un bluesman noir, l'hommage à leurs racines, celles d'un Sud ambigu, et bien plus complexe qu'on veut bien le penser.

NL

PS : pour plus de précisions sur l'affaire Neil Young-Lynyrd Skynyrd, voir ici


Autres (grands) albums de 1974 :

Rock Bottom de Robert Wyatt, un de mes albums préféré de tous les temps, a déjà été joliment chroniqué par Roland ICI et par ma pomme ici et

Natty Dread, Bob Marley and The Wailers

Grievous Angel de Gram Parsons

Bon allez, la voilà cette pochette :