mardi 6 avril 2010

Gent del Desert - Molles (2009)



Gent Del Desert - La Ciutat y la vinya


Gent del Desert est un groupe de la région de Valence, qui chante exclusivement dans sa langue régionale, une variante du Catalan. Sur ce deuxième album autoproduit, ils marient des textes de poètes locaux avec une musique folk-rock ouverte à de multiples influences, entre tradition et modernité.

C'était au départ une bande d'amis, un collectif du nom d'El Desert de la Paraula, qui se réunissaient régulièrement pour chanter, lire des poèmes et discuter rimes, littérature et musique. Gent del Desert, la branche musicale du mouvement, est née en 2006 grâce à Jesus Barranco, musicien et leader, qui avec son compère Marc Pérez commença à mettre en musique tous ces mots.

Un premier album, “El Pèndol i la Terra”, est sorti en 2007, où les textes étaient scandés (façon "spoken word" à la Gil Scott Heron) sur des musiques traditionelles et où la guitare, le plus souvent espagnole, se taillait la part du lion.

Sur "Molles", paru en 2009, le groupe a passé un cap. Le chant est beaucoup plus utilisé, et surtout la musique prend une tournure plus rock, plus "produite", avec un véritable groupe et de nombreux musiciens, fonctionnant, à la manière des posses du hip-hop, comme un collectif, avec un noyau dur autout duquel gravitent musiciens et poètes invités.

Avant d'aller plus loin, un petit exposé du contexte culturel s'impose : le Catalan du pays valencien, la langue dans laquelle nos amis s'expriment exclusivement, a été victime, comme toutes les langues locales de l'Espagne, d'un véritable phénomène de répression de la part du gouvernement central depuis le 18è siècle. Interdit sous Franco, banni des écoles, des théâtres et des documents publics, le catalan résistait, notamment avec la canço apparue dans les années soixante et dont les plus célèbres représentants furent Luis Llach, Joan manuel Serrat, ou Raimon pour le Valencien. Curieusement, la movida des années 80, dans son "modernisme" affiché, sonna le glas de la canço et la résurgence de la musique régionale ne se fit massivement que dans les années 1990 et 2000. Aujourd'hui la musique en valencien se porte plutôt bien, et la langue est chantée non seulement par des groupes à vocation folk mais aussi par des rappers, des musiciens électro ou des rockers.

Molles, avec ces sonorités plus "mondiales", participe de cet affranchissement, et le groupe regarde désormais à la fois vers l'intérieur, la tradition, le passé, mais aussi vers l'extérieur, en incorporant de multiples influences, ce qui rend l'écoute agréable et jamais monotone. On ne sait jamais vraiment ce qu'ils nous résèrvent pour la prochaine chanson, et même si parfois on est au bord de l'éparpillement, cet éclectisme a le mérite de ne jamais nous endormir. Disons que le son de Gente del Desert s'articule autour d'une base folk-rock méditerranéen, avec des incursions vers les musiques latino-américaines, le reggae, et un parfum d'épices venues d'Afrique. Côté instruments, c'est la profusion : aux guitares, basses et batterie viennent s'ajouter au gré des morceaux accordéon, banjos, guimbardes, mandolines, pedal steel, kazoo, harmonicas, tubas, pianos et toutes sortes de percussions, bref un bastringue à rendre jaloux Tom Waits ou les Pogues, même si par moments là aussi on est au bord de l'encombrement.

A l'instar de leurs homologues français des Fabulous Trobadors ou Moussu T E Lei Jovents, ils assimilent les musiques d'autres peuples pour mieux mettre en valeur leur propre culture.

Les textes bien sûr sont très importants, mais le Valencien, plus proche du Français que l'espagnol castillan, nous révèle du sens par bribes, comme à travers un maillage. Les traductions gracieusement fournies par l'entourage du groupe m'ont fait découvrir des textes variés, puisqu'une dizaine d'auteurs différents, vivants ou disparus, sont repris dans l'album. On y trouve notamment une magnifique chanson d'immigrants, La Ciutat y la vinya, sur le travail saisonnier des Valenciens dans le Rousillon; un souvenir d'enfance avec El Record, véritable scénario à la Almodovar sur des gamins qui passent tous les jours devant un bar à putes, sur fond de valse western avec piano de saloon et pedal steel guitar; ou encore, la chanson-gag Education for citizenship qui ridiculise le gouvernement conservateur de la communauté valencienne auteur d'un projet absurde de cours d'éducation civique…en Anglais.

Bref, un groupe prometteur, qui, on l'espère, travaille à un nouvel album.

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